Avant toute chose, il me semble important de vous donner mon avis sur les deux premiers Uncharted. Possesseur d'une Playstation 3 depuis plusieurs années, je ne me suis cependant lancé dans cette saga que tardivement, il y a à peine quelques mois. Si j'ai plutôt bien apprécié sur le moment, je me suis rendu compte avec le recul que l'expérience de jeu offerte était en réalité très médiocre. Médiocre, car le gameplay et le level design, les éléments centraux d'un jeu vidéo (et a fortiori d'un jeu d'action-aventure), sont extrêmement limités voire inexistants. Ceci étant dit, revenons à Uncharted 3.
Une direction artistique sublime
Commençons par ce qui via bien. Tout d'abord, à tout seigneur tout honneur, reconnaissons aux développeurs de Naughty Dog une maîtrise technique impressionnante de la PS3. Uncharted 3 est en effet, et de loin, le plus beau jeu jamais sorti sur console de salon à ce jour. L'avance sur la concurrence se chiffre en années, et il faudra probablement attendre les premiers gros blockbusters de la Next Gen pour qu'il soit dépassé. Cependant, à l'image des deux premiers opus, Naughty Dog a eu le bon goût d'allier à cette réalisation impeccable une direction artistique d'un raffinement exquis. Particulièrement éclectique, le jeu se révèle inspiré en toute circonstance. Plus encore que l'esthétique d'ensemble, c'est le niveau de détail qui impressionne : le rendu de la pierre et des textures en général, le choix des couleurs et des lumières ou encore les agréments architecturaux.
Cette direction artistique est mise au service d'une aventure une nouvelle fois résolument « globe-trotteuse ». Car oui, Uncharted est avant tout une aventure, avec un grand A, un dépaysement permanent. Il s'amuse avec la catharsis du joueur, nourri au biberon Indiana Jones, qui rêve de cités englouties ou perdues, de sociétés secrètes, de jolies filles, de trésors, etc. A mon avis, le succès du jeu réside en grande partie dans le personnage de Nathan Drake, auquel les joueurs peuvent facilement s'identifier. Nathan est grand, brun, beau gosse, drôle, a du succès avec les filles, exerce le plus beau métier du monde et est à l'aise en toutes circonstances. Bref, il est une sorte d'idéal masculin fantasmé, un archétype, de la même façon que le sont ses deux acolytes Elena et Sullivan. D'ailleurs, si le jeu fait l'effort de nous en apprendre un peu plus sur leur passé, on pourra regretter que les relations entre les personnages n'aient pas franchement évolué depuis le premier épisode.
On le sait, Uncharted est fortement inspiré d'Indiana Jones, de par son background mais aussi de par son caractère très cinématographique. Au niveau de la mise en scène, ce troisième épisode est dans le prolongement du précédent et fait la part belle aux scènes d'action spectaculaires. Très axée grand public, je la trouve assez pesante à la longue. Cependant, certains passages plus sobres et intimistes renouent davantage avec l'ambiance du premier (c'est notamment le cas du début de la mission en France).
Un gameplay médiocre voire inexistant
Doté d'une réalisation époustouflante et d'un background solide, ce troisième opus pèche, comme les deux premiers, sur le gameplay. Le problème n'est pas lié au gameplay en lui-même, qui fonctionne plutôt bien, mais à l'absence de gameplay. La base du jeu n'a pas évolué depuis 2007 et est toujours composée de trois phases distinctes : les énigmes, l'escalade et les gunfights.
Passons rapidement sur les énigmes, qui n'ont finalement d'énigmes que le nom. Il n'y a pas besoin de réfléchir : il suffit d'ouvrir le Journal de Drake pour obtenir la réponse. Et si même avec ça vous ne trouvez toujours pas, pas de panique, un indice vous dévoilera la solution au bout d'une dizaine de secondes. C'est d'autant plus regrettable que cette idée de journal, apparue dès Drake's Fortune, aurait pu être géniale si elle avait été intelligemment utilisée. Il faut cependant noter que ce troisième épisode propose des puzzles légèrement plus compliqués que ses aînés. Cela ne change fondamentalement rien étant donné que la solution vous est toujours donnée, mais c'est déjà un progrès.
Les séquences d'escalade ne sont guère plus intéressantes. Elles ne requièrent absolument aucun "skill" de la part du joueur. N'ayant que peu évolué depuis Uncharted premier du nom, elles demandent simplement de marteler le bouton X et d'orienter le joysitck dans la direction voulue. C'est tout le paradoxe de ces phases, qui sont aussi visuellement impressionnantes qu'elles sont simples à exécuter. Plus que de l'assistanat, elles sont une véritable insulte envers le joueur.
Au final les gunfights sont les seuls éléments de gameplay réellement dignes de ce nom. Plutôt bien fichus, ils finissent cependant par tous se ressembler dans leur level-design et deviennent rapidement lassants. Ils sont de plus particulièrement nombreux. En effet, peut être plus encore que dans Uncharted 1 et 2, vous allez passer votre temps à tirer sur des mercenaires. Et c'est bien là que se situe le problème : pourquoi proposer un système de TPS à la Gears of War dans un jeu où l'on est censé incarner un aventurier ? Il y a malheureusement une distorsion entre l'objectif du scénario, la recherche de Trésors, et l'objectif effectivement ressenti par le joueur qui est d'éliminer des vagues d'ennemis à la chaîne et avancer. Nathan Drake serait donc plus proche de Rambo que d'Indiana Jones, un comble. En ce sens, Uncharted 3 est bien différent des Tomb Raider (du moins les premiers épisodes), à qui on l'a beaucoup comparé, qui étaient pour le coup de véritables jeux d'exploration.
Enfin, il me reste à évoquer deux points, qui sont à mon sens les plus énervants du jeu : les courses poursuites et les « randonnées pédestres ». Les courses poursuites ne sont pas seulement faciles, sans intérêt, mal réalisées et dotées d'une maniabilité approximative, elles sont aussi beaucoup trop longues et particulièrement mal implantées dans les niveaux. J'en veux pour preuve la mission au Yemen qui en compte trois dont deux à la toute fin. Une véritable plaie. Quant aux passages de marche, ce sont des illustrations très parlantes du non-jeu dans toute sa splendeur. Ils auraient pu être justifiés, à la limite, comme moyens de transition entre deux gunfights, mais Naughty Dog a décidé de baser des niveaux entiers dessus. Je parle bien évidemment de la célèbre traversée du désert, longue de dix bonnes minutes, pendant laquelle le joueur n'a rien d'autre à faire que d'avancer. De l'anti jeu-vidéo en somme.
Une aventure en deca des précédentes
Si Uncharted 3 partage les mêmes défauts que ses prédécesseurs, il est également moins inspiré et moins prenant. On a du coup plus de difficultés à lui pardonner ses tares de gameplay. Pourquoi la mayonnaise ne prend-elle plus ?
Arrivé en 2007, le premier épisode avait soulevé un vent de fraîcheur. Le fait qu'ils soit l'un des premières exclusivités majeures de la PS3 n'est certainement pas étranger à l'accueil très favorable qu'il a reçu à l'époque. Drake's Deception est sorti dans un climat tout autre : Naughty Dog, se sachant attendu après le succès commercial et critique d'Among Thieves et visiblement en panne d'inspiration, a opté pour une stratégie défensive en capitalisant sur ce qui a marché dans les épisodes précédents. On le ressent très bien dans la qualité d'écriture du scénario, qui est nettement moins bien ficelé et moins fluide. En effet, dans l'opus originel, on retrouvait une unité de temps et de lieu, une continuité dans les niveaux qui rendaient le rythme du jeu plus naturel. Ce troisième volet est nettement plus poussif sur ce point : on a d'avantage l'impression que le studio a voulu répondre à une logique de cahier des charges dans lequel il fallait inclure une jungle, un désert, une cité perdue, des pirates, etc. La trame narrative est clairement passée au second plan.
Uncharted 3 souffre encore plus de la comparaison avec le second épisode. Moins exotique que Drake's Fortune, il avait cependant réussi à bonifier la formule initiale grâce à de nombreux petits ajouts qui mis bout à bout enrichissaient considérablement l'expérience : une plus grande variété de situations (notamment dans les gunfights), un meilleur agencement des phases d'escalade dans le level design et surtout un rythme totalement maîtrisé. Sur tous ces points, Drake's Deception marque un vrai retour en arrière. Les combats sont devenus moins intéressants car plus répétitifs. La difficulté est particulièrement mal gérée : elle n'est pas progressive, comme la logique le voudrait, mais est au contraire très saccadée, avec des pics de difficulté brutaux qui surviennent sans crier gare. Frustrant. De même, le jeu ne parvient pas à se départir d'un certain faux rythme tout le long de l'aventure. Sachant qu'aucune innovation ne vient agrémenter le gameplay, la pilule a du mal à passer.
Avec cet épisode, Naughty Dog atteint les limites de la formule initié par Uncharted premier du nom. Le fond est, ni plus ni moins, le même que dans les deux premiers jeux de la saga. En revanche, la forme est clairement moins maîtrisée. Uncharted 1 et 2 étaient des jeux brillants, dans un certain sens, car ils parvenaient à faire croire au joueur qu'il était devant un bon jeu vidéo. Uncharted 3 n'y arrive pas (plus), et c'est bien là son problème. Il ne nous reste plus qu'à espérer que Naughty Dog remette le gameplay en avant dans ses futures productions, car n'oublions pas que c'est ce qui avait fait le succès de Crash Bandicoot et Jak and Daxter. Néanmoins, au vu des trailers de The Last of Us, on peut légitimement en douter.